Mes interventions au Conseil national

09.06.2010

Protection des personnes photographiées ou filmées et diffusion non consentie

10.3396 - Interpellation

Déposé par Hugues Hiltpold
Date du dépôt 9 juin 2010
Numéro de dépôt 10.3396
Instrument parlementaire Interpellation
Déposé au Département de justice et police (DFJP)
Etat des délibérations Liquidé
Lien sur le site du Parlement Curia Vista - Objets parlementaires
Réponse Lire la réponse du 01.09.2010, Conseil fédéral

Le texte que j'ai déposé

Je prie le Conseil fédéral d'apporter des précisions sur le statut pénal d'une diffusion non consentie d'images réalisées volontairement. Au cas où l'inexistence de sanctions pénales dans ce domaine venait à être confirmée, je prierais également le Conseil fédéral d'indiquer si une éventuelle modification de la loi sur ce point a déjà été étudiée par l'administration ou l'est actuellement.
Développement

Suite aux développements technologiques de ces dernières années, il est devenu très simple et rapide de diffuser des photographies et vidéos au moyen de MMS, d'e-mails ou encore de publications sur Internet pour ne citer que quelques exemples. Des situations où des images réalisées avec le consentement de la personne intéressée sont diffusées à son insu se rencontrent de plus en plus fréquemment. Il faut avant tout songer à la publication ou au partage de photographies prises dans l'intimité d'une personne à titre de vengeance ou de blague de mauvais goût.

La loi fédérale sur la protection des données et les dispositions du Code civil sur la protection de la personnalité (art. 28ss CC) offrent un certain nombre de mécanismes de prévention, de défense et de réparation pertinents dans une situation telle que celle évoquée ci-dessus. En revanche, il semblerait que le droit pénal ne réprime pas la diffusion non consentie d'images touchant à la sphère intime d'une personne lorsque celles-ci ont été prises avec son accord (sous réserve des cas visés par l'art. 197 CP).

La réponse

Date de la réponse 01.09.2010
Auteur de la réponse Conseil fédéral
 

Le Conseil fédéral partage bien entendu l'avis exprimé en substance par l'auteur de l'interpellation, selon lequel il n'est pas tolérable de diffuser sans le consentement de la personne intéressée, au moyen de MMS, d'e-mails ou de publications sur Internet, des photographies et vidéos relevant de sa sphère privée voire intime, ceci même si celles-ci ont été réalisées avec le consentement de ladite personne.

Un tel comportement n'est en soi toutefois pas pénalement punissable. Ceci, à moins que ce comportement ne constitue un délit contre l'honneur, au sens des articles 173 à 178 du Code pénal suisse (CP; RS 311.0), ce qui pourrait par exemple être le cas en présence de photographies ou de vidéos falsifiées qui auraient une composante portant atteinte à l'honneur de la personne concernée. Il est en outre très peu probable que le comportement considéré tombe sous le coup de l'article 67 de la loi fédérale du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur et les droits voisins (LDA; RS 231.1), étant donné que l'on ne saurait que très difficilement concevoir que de telles photographies ou vidéos puissent constituer des oeuvres au sens de l'article 2 LDA.

Si un tel comportement n'est pas répréhensible au vu du droit pénal en vigueur, il n'en va pas de même sur le plan civil. Il est en effet susceptible de tomber sous le coup des articles 28 et suivants du Code civil suisse (CC; RS 210). Le droit à sa propre image est une composante des droits protégeant la personnalité au sens de l'article 28 du Code civil. Il s'ensuit que la diffusion d'une photo ou d'une vidéo sans l'accord de la personne concernée constitue une violation de la personnalité, ce indépendamment du fait de savoir si celle-ci a été prise avec le consentement de la personne précitée. Demeure réservé le cas où sa diffusion est justifiée par un intérêt privé ou public prépondérant. Constitue par exemple un tel intérêt le mandat d'information de la presse ou la loi (art. 28 al. 2 CC). La diffusion de photographies et de vidéos dans les circonstances esquissées par l'auteur de l'interpellation constitue quant à elle une violation de la personnalité de la personne concernée qui n'est pas justifiée par un intérêt privé ou public prépondérant et qui est, partant, illicite. Outre les actions en dommages-intérêts, en réparation du tort moral et en remise du gain selon les dispositions sur la gestion d'affaires sans mandat (art. 28a al. 3 CC) ainsi que le recours à des mesures provisionnelles (art. 28c CC), la personne concernée peut se défendre contre une atteinte illicite à sa personnalité en demandant au juge d'interdire l'atteinte (art. 28a al. 1 ch. 1 CC), de la faire cesser (art. 28a al. 1 ch. 2 CC) ou d'en constater le caractère illicite (art. 28a al. 1 ch. 3 CC). Il sied de préciser que le comportement considéré par l'auteur d'interpellation est également visé par la loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD; 235.1), en particulier par les articles 2, 3 lettres a et e, 4 alinéa 3, 12, 13 et 15 de ladite loi. Ces dispositions ne vont toutefois pas au-delà de ce que prévoit l'article 28 du Code civil, et l'article 15 LPD renvoie aux articles 28 et suivants du Code civil pour ce qui concerne les droits de la personne concernée et la procédure. Pour finir, en relation avec la thématique voisine de la cyberintimidation, il y a en guise de remarque lieu de préciser que le Conseil fédéral arrive à la conclusion, dans le rapport y relatif qu'il a adopté le 26 mai 2010 en exécution du postulat Schmid-Federer 08.3050, que les normes en vigueur sont suffisantes pour poursuivre et punir cette forme de harcèlement.

Le Conseil fédéral estime que la réglementation susmentionnée est suffisante pour permettre une défense efficace des droits de la personne concernée par le comportement visé par l'auteur de l'interpellation. Il sied de préciser que le droit pénal n'est censé sanctionner un comportement que si les autres règles de l'ordre juridique sont à cet égard jugées insuffisantes. Il s'ensuit que le Conseil fédéral n'a pas estimé et n'estime pas nécessaire d'étudier plus avant la question de l'opportunité de prévoir une disposition punissant pénalement le comportement considéré.